Un an, trois mois, vingt-deux jours… «Jeune macronisme» et «vieille politique»

Emmanuel Macron a été constitutionnellement investi comme président de la République le 14 mai 2017, et depuis, seulement un an, trois mois et vingt-deux jours ont passé depuis le remaniement annoncé le 4 septembre 2018. Sont-ce les interrogations de l’Union européenne sur la suppression possible du changement d’heure? Celui qui se voulait le maître des horloges a perdu, avec la maîtrise du temps, cette assurance condescendante que revendiquait le jupitérien maître des horloges.

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L’affaire Benalla a mis en lumière des modes de fonctionnement étonnants (voir ici). Une certaine fébrilité s’est même emparé du pouvoir à propos du prélèvement à la source, révélant des discordances et finalement tranché par le maintien du nouveau dispositif, agrémenté de ce qui apparaît comme un geste fiscal pour les contribuables bénéficiant de crédits d’impôt. Mais la décision aurait pu être l’inverse (l’abandon de la réforme). Bien que le Gouvernement ait proposé, le Parlement adopté (via la loi de finances) et l’administration fiscale mis en œuvre la transition, le caprice présidentiel aurait suffi à tout mettre par terre. J’ai indiqué ce que cette situation révélait du dysfonctionnement de l’État dans une Ve République ultraprésidentialisée. En tout état de cause se trouve atteinte la crédibilité politique de l’exécutif — terme absent de la Constitution écrite mais usité en raison de la Constitution de fait. Le choix n’était pas guidé par le fond, la nécessité ou pas d’une évolution, au demeurant engagée sous la présidence précédente, mais pour des raisons d’impure tactique conjoncturelle et médiatique.

La démission soudaine de Nicolas Hulot est survenue dans ce contexte. Elle n’était pas surprenante, quand bien même elle aurait pu être un peu plus précoce ou un peu plus tardive, mais elle est intervenue dans ce contexte de secousses successives. Ce fut d’abord l’affaire Benalla, présentée comme une non-affaire pour les soutiens du président et de sa majorité, mais une non-affaire qui a bloqué le processus parlementaire de révision constitutionnelle tout de même tout en mettant l’accent sur des dysfonctionnements au plus haut niveau de l’État!). Ce fut ensuite cette valse-hésitation que nous venons d’évoquer sur la collecte de l’impôt sur le revenu.

Or l’après-Hulot a ressemblé à tout sauf à une approche «nouvelle» de la politique. Le président de l’Assemblée nationale, constitutionnellement élu pour cinq ans (art. 32), mais qui devait laisser le perchoir à mi-mandat n’était pas chaud pour laisser la place. Apparemment, ce n’est pas un premier choix, mais il s’inscrira dans une écologie verbalement déterminée, mais faites d’avancées très progressives dans le respect des choix gouvernementaux (et sans doute sans embêter le ministre de l’Agriculture, Stéphane Travers, qui apparaît comme un grand défenseur du lobby agroproductiviste). Assurément, le ballet écologique gouvernemental sera réglé selon la méthode Petipa.

Du coup, la présidence de l’Assemblée, dont la deuxième titulaire de la mandature aurait dû être une femme, pourrait échoir au président du groupe LREM, Richard Ferrand. Sa candidature est déjà annoncée dans ce qui apparaît comme un jeu de chaises musicales rappelant plus les mécanismes, en principe honnis, de la «vieille politique». Et il apparaît par hasard qu’on change de ministre des Sports à cette occasion, en raison d’une démission «pour convenances personnelles» qui précède de peu l’annonce, par le Canard enchaîné, d’ennuis fiscaux la touchant. Pas de chance!

Un an, trois mois et vingt-deux jours — et chacun a compris qu’au-delà des discours et promesses de campagne, le ni de droite, ni de gauche et sa variante et de droite, et de gauche se traduisent par une politique libérale qui, en l’état, bénéficie surtout à la crête extrême des plus favorisés tandis que le «ruissellement» se fait attendre et que la croissance, ralentie par la faiblesse de la demande, se fait désirer.

Pourtant, si le voile du «nouveau monde» se dissipe, le Président, son gouvernement et sa majorité parlementaire sont installés sans risque jusqu’à la prochaine élection présidentielle. Il reste à Emmanuel Macron un peu plus de trois ans et huit mois d’ici la fin de son mandat qui va se poursuivre mécaniquement, faute d’alternance politique possible. Et, selon toute vraisemblance, sans inflexion de ligne, alors que déjà les sondages défavorables s’accumulent.

Un nouvel exemple de la malédiction du quinquennat? Encore faudrait-il qu’une perspective d’alternative majoritaire émergeât. Quelles que soient les prétentions des uns ou des autres, on en est encore loin, mais le chemin triomphal imaginé par la macronie se fait plus irrégulier, plus sinueux, plus rocailleux — et d’épaisses ronces semblent pouvoir y surgir bien plus vite que prévu.

«Une» du Canard enchaîné du 5/9/18.

«Une» du Canard enchaîné du 5/9/18.

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